SAIGNES


Saignes ou Sagnes ?

Au début du XX siècle Les origines de son essor Au XII° siècle Les foires
La Halle Le château de Saignes La chapelle N-D du Château L'église Le couvent


SAIGNES


SAIGNES devrait se prononcer SAGNES.

Dans les textes anciens, on trouve les noms de Villa de SanisSanariumSaniaresisSanhas, etSanhes ce qui indique un terrain marécageux dans les environs. La bourgade est bâtie sur une terrasse dominée par un rocher qui servit d'emplacement à un château fortifié.
Ce n'est qu'au 18° siècle que l'on voit apparaître le "i" de Saignes, peut-être par une erreur orthographique de ceux qui, comme les officiers qui dressèrent les cartes d'État-major, ignoraient le patois. De nombreux noms ont ainsi été transformés de leur sens d'origine, par exemple la côte de la laiterie, qui en venant d'Ydes rejoint la route de Champagnac, devrait s'appeler lairerie comme on écrivait Laire qui signifiait en vieux français un découvert, un espace vide, une vue, la découverte d'une vallée.


SAIGNES au début du XX° siècle.

La gare de Saignes avait été construite à la fin du XIXème siècle et tout naturellement la rue partant de la place a été baptisée "avenue de la Gare". Pas de goudron, pas d'automobile et pas besoin de sens unique.

La maison blanche au bas de la route de Trizac était autrefois un café. On peut lire "BRANDON DEBITANT CAFE". C'est aujourd'hui la boucherie.


LES ORIGINES DE SON ESSOR

Si on prend comme référence les populations des communes du canton, on peut se demander pourquoi Saignes a été choisie comme chef lieu. En effet, en 1831 (premier recensement sérieux), six communes sur les 12 du canton actuel ont une population supérieure à Saignes.

En ce qui concerne VEBRET la population à cette époque était de 1513 habitants tandis que Saignes n'en comptait que 537. Il faut attendre les années autour de 1960 pour avoir égalité d'habitants (environ 650).
Il faut, donc, aller chercher ailleurs la suprématie de Saignes.

Au XII° siècle, à la suite des guerres féodales, la province Auvergne fut annexée à la couronne par Philippe Auguste. Il en suivit le démembrement du comté d'Auvergne et Saignes fut érigé en Comté secondaire ou Comtoriat. Pourquoi Saignes et pas une autre paroisse ? Peut-être sous l'influence d'un puissant seigneur bien en cour (Pourquoi pas les sires de la Tour dont dépendait directement le comtour de Saignes et avait avec lui des liens de parenté ? Hypothèse non confirmée).

Cette comtoisie, et sa justice, s'étendait sur de nombreuses paroisses et villages. Parmi celles-ci, on peut citer Saignes, Champagnac, Chastel-Marlhac, Ydes, Auzers, Menet, Trizac, Vebret....Il faut noter que ces Comtours étaient, en outre seigneurs de la Daille, du Châtelet d'Antignac, de Trizac et de Cheyrouse.

Citer tous les Comtours et seigneurs qui se sont succédés à Saignes seraient fastidieux et hors de propos. On trouve un Ebles de Saignes, troubadour du XII° siècle, dont quelques écrits sont venus jusqu'à nous. Le premier des ODON de Saignes est signalé comme comtour en 1187.
La maison des comtours de Saignes s'éteignit assez rapidement et la Seigneurie de Saignes devint en 1469, un fief de la Maison de Chabannes qui la garda jusqu'en 1629 puis lui succédèrent les de Lévis et de la Croix de Castries et enfin en 1779 les de Pastel-Caissac.

Après les guerres de cent ans, le pays était en ruine, le village ne comptait que quelques loges et cabanes accrochées au rocher. Au début du 16ème siècle, les de Chabannes plus ou moins parents du roi de France, obtinrent la création de deux foires supplémentaires. Ce fut le début de l'essor de Saignes.

SAlGNES : VlLLE DE MARCHES

- LES FOIRES



Les deux foires existantes se tenaient le 3 février et le 10 décembre. Le nombre des foires et leurs dates étaient fixées par le Roi. Voici l'ordonnance royale qui permit de créer deux autres foires :


"Nous François 1er faisons savoir que nous avons reçu l'humble supplication de nos chers et bien aimés cousins De Chabannes qu'au lieu dit de Sagnes, il y a ville close et fort ancienne, bien peuplée de gens et bons marchands, située en bon et fertile pays et sur chemin passant pour la vante et tenu de deux foires.
A cette cause et afin que lesdits manons et habitants d'icelle ville et pays de Sagnes se puissent relever des pertes et dommages tant supportés par le passage de nos gens de guerre, que par la stérilité du temps qui a été depuis deux ans, c'est pourquoy, nous, ces choses considérées, inclinons à la requeste des suplians et avons de notre fai et estably par notre grâce espéciale deux foires l'an, le 6° jour du moy de mai et 13° du moy de septembre avec un marchez au jour du mardy et nous plait que tous marchands et autres fréquentans puissent y aller par-dessus les deux autres foires pourvu qu'à quatre lieues (+ 16km) à la ronde n'y ait lesdits jours aucune foire et marchez. 
Donné à Paris au moy de décembre de l'an de grâce 1528 de nostre règne le 14°”
.

Les foires ont disparues, seul, reste le marché du mardi.
A cette époque, les foires avaient une importance considérable. C'était un événement dans la vie du bourg mais aussi dans les paroisses voisines. Les marchands y étaient nombreux, certains n'hésitant pas à venir de Clermont, Lyon ou Bordeaux, le foirail était plein.

Les jours de foire, la vie agricole et artisanale était pratiquement arrêtée quatre lieues à la ronde, on allait y faire ses achats importants, les cultivateurs vendaient leurs récoltes de l'année et parfois, celles de plusieurs années.

Il y avait, alors, trois notaires royaux à Saignes qui enregistraient ces ventes et faisaient ces jours-là de bonnes affaires. Les cafés et autres petits commerces avaient des recettes importantes. Mais le gros bénéficiaire était, à n'en pas douter, le comtour auquel était versée une taxe sur toute transaction.
Toujours est-il que Saignes devint une cité de marché, une ville de bourgeois et c'est probablement de ce fait que Saignes est de nos jours chef-lieu de canton.

LA HALLE

Les foires et marchés prenant de plus en plus d'importance, la construction d'une halle devint nécessaire. Un accord fut conclu entre les habitants et François de Chabannes, comtour de Saignes, ce dernier faisant quitte aux habitants de 100 écus (dette ou impôts ?) à condition que ceux-ci fassent bâtir une halle sur la place publique.

En 1573, une ordonnance de la Sénéchaussée d'Auvergne à Riom en fixa les modalités de construction. Au bout de cette halle était un auditoire où se tenait l'audience, les mardis et samedis. Le Seigneur touchait les revenus de la halle. Tout est imposé : l'installation d'un banc coûte 1 sol (s'il est grand jusqu'à 10 sols), une vache vendue 1 sol, un cochon 1 sol, etc... Tout est codifié et taxé (au fait, est-ce qu'il y a quelque chose de changé ?)
En contrepartie, le Seigneur avait l'entretien du bâtiment à sa charge.

A proximité de la halle existait un four banal où les habitants étaient tenus de faire cuire leur pain et paraît-il que le Seigneur venait choisir une tourte pour son usage personnel.
En 1855, la halle fut modifiée pour accueillir une école et une salle pour le conseil municipal.

Lorsqu'en 1881, le parlement décréta que l'enseignement primaire serait gratuit et obligatoire, le conseil municipal de l'époque décida la construction d'un ensemble comprenant la mairie, le groupe scolaire et le prétoire de justice. Les fonds manquaient, il fallut vendre des biens communaux et démolir la halle dont les matériaux servirent à édifier cet ensemble réalisé entre 1893 et 1895.


LE CHÂTEAU DE SAIGNES

Tout seigneur se devait d'avoir un château fort, celui-ci fut construit au sommet du rocher basaltique dominant la ville par ODON 1er de Saignes vers l'an 1200. Il faut le considérer comme une petite forteresse "imprenable sauf par famine ou trahison".
Il devait abriter les habitants en cas d'attaque venant de l'extérieur.
Il ne reste pratiquement rien de cet ensemble qui devait comporter un donjon, des remparts entourés d'un fossé, une partie habitation utilisée par les comtours de Saignes jusqu'en 1308, date à laquelle, ils émigrèrent au château du Chastelet, Antignac, chef lieu de la seigneurie de la Daille.

La construction devait être en bois comme il était de coutume à l'époque. Dès 1262, le château et les terres de Saignes devinrent propriété de la maison de la Tour.

Pendant la guerre de 100 ans, les Anglais ou les bandes de pillards à leur solde brûlèrent le Châtelet et prirent le petit fort de Saignes. En 1550, le château était, paraît-il, déjà rasé !

La petite tour et sa "fenêtre" sont de construction plus récente et n'a rien à voir avec l'ancien castel féodal. Heureusement, il nous reste.

LA CHAPELLE NOTRE DAME DU CHÂTEAU

De proportion modeste, de style roman du XII° siècle, contrairement à la chapelle du Roc Vignonnet, elle a pu être conservée grâce aux travaux de restauration au cours des siècles. Le pignon percé d'un oeil de boeuf est surmonté d'un campanile où se balance une cloche datée de 1650.

A l'intérieur, une vierge en bois doré (XVII° siècle) qui aurait remplacé une vierge en pierre. La voûte était un semis d'étoiles sur les murs, les blasons peints surmontés de couronnes. C'étaient les armoiries des différents seigneurs de Saignes.


Le Vocable

Jusqu'au 17° siècle, elle était dédiée à la Sainte Croix.
"Le Seigneur du château de Saignes ODON ayant pris part à la première croisade apporta de terre sainte une parcelle de la Vraie Croix" (Il me semble qu'il se soit ramené beaucoup de vrais morceaux de la Vraie Croix).

Comment au 17° siècle, ce vocable passa-t-il à l'Église paroissiale et comment la chapelle prit-elle le vocable de la chapelle Notre-Dame ? ... Mystère !

Pendant la Révolution, la Vierge et la cloche furent cachées.

Les offices religieux se réduisent actuellement à une messe par an (2° dimanche de septembre) précédée par une procession qui part de l'église paroissiale.


L'ÉGLISE

C'est un édifice du 12ème siècle, qui a été classé monument historique en 1921 (ainsi que la chapelle du château).
Sa forme est un parallélogramme suivi d'un choeur et d'une abside semi-circulaire, avec deux chapelles latérales.
La chapelle du Rosaire et la chapelle Sainte-Anne sont aussi du 12ème siècle, ce qui donne à l'ensemble la forme de la croix latine.
Le clocher très caractéristique domine le choeur, il a subi bien des modifications au cours des siècles. Dès la fin du 12ème siècle, il aurait remplacé l'ancien campanile (suite probablement à un incendie qui détruisit la charpente). En 1793, le 23 nivôse an II (12.01.1794), la municipalité adjuge la démolition du clocher jusqu'à la toiture (vingt cinq livres). L'église fut transformée en "temple de la raison".

Le clocher fut reconstruit en 1850, il est percé de 8 baies... Il a été surélevé de 2,60 mètres en 1900. En même temps, une sacristie a été adossée à la droite du choeur. L'horloge qui était dans la rosace du pignon ouest fut installée dans le clocher.

Jusqu'en 1899 le cimetière entourait l'église, il fut d'abord transféré au nord du foirail puis en 1904 au puy Négral sur la route de la gare.
Nota : on trouve un Jehan de VEBRET, curé de Saignes en 1415.


LE COUVENT

Cette maison fut construite sur la place en 1786 par Pierre BROQUIN, notaire royal. Nous sommes à la veille de la révolution et les comtes de Pasteil-Caissac, Seigneurs de CHARLUS-SAIGNES avaient la haute main sur tout ce qui se passait sur leur territoire. Pourquoi n'étaient-ils pas d'accord pour cette construction ? Toujours est-il qu'ils firent procès à Broquin... lequel continuera et lorsque le 11 février 1790, la municipalité de Saignes fut créée, c'est le sieur Broquin qui en fut le 1er maire. Saignes était devenu chef lieu de canton.

Ce n'est qu'en 1842 que s'ouvrit le couvent. Quelques années plus tard, il dut fermer par ordre de l'Evêché de Saint-Flour. Racheté en 1863 par la "Sainte-Famille d'Aurillac", le couvent devint école communale jusqu'en la fin du XIX°.
C'est actuellement une école libre sous le vocable de Notre-Dame du Château.


BIBLIOGRAPHIE

Si j'ai pu retracer quelques faits importants sur le passé de Saignes, c'est grâce à l'importante documentation que M. GALVAING de Saignes a eu la gentillesse de me procurer. Qu'il en soit ici chaudement remercié !
- Dictionnaire du Cantal de DERIBIER
- les échos de la Sumène rassemblés par M. Vigouroux
- les églises de l'Archiprêtré de Mauriac



Jean TOURNADRE.(Septembre 1999)