LE MONUMENT AUX MORTS 

 

 

N°6 : janvier 1992.

HISTORIQUE DU MONUMENT AUX MORTS

Le 11 novembre 1918, le clairon avait sonné la fin des hostilités et l'armistice était signé, mettant fin à ce qui a été appelé la Grande Guerre, et plus tard la Première Guerre Mondiale.


La France avait mobilisé 8 410 000 hommes dont 1 357 800 ne revinrent jamais (9947 pour le département et 56 pour la commune). 595 000 furent blessés et il y eut 510 000 prisonniers.


Dans les années après guerre, le pays pansait ses plaies. Le Nord et l'Est de la France étaient à reconstruire et toutes les communes voulurent honorer leurs morts. C'est ainsi, qu'années après années, les places des villages virent s'ériger "les Monuments aux Morts" (le mot français Monument vient du mot latin "monere" qui dans le sens général veut dire avertir, indiquer. Dans un sens plus précis, un monument est un ouvrage d'architecture et de sculpture, élevé en souvenir d'un homme illustre ou d'un événement important).

 

 Entre 1920 et 1922, VEBRET commença à penser à élever un monument à la mémoire de ses enfants morts pour la France. C'est dans ses séances d'avril et mai 1922 que le Conseil municipal présidé par M. BRETON, Maire, décida à la fois de l'emplacement du monument et vota les fonds nécessaires à son édification (15000 F). Mais, n'allez surtout pas croire qu'il y eut l'unanimité (les choses ne sont jamais aussi simples que l'on croit) et de nombreuses difficultés apparurent.

 

 

Tout d'abord, la forme du monument. Certains voulaient un monument "classique", du type de ce que l'on voit un peu partout : Poilu équipé chargeant baïonnette au canon de son fusil Lebel, veuve éplorée avec son enfant orphelin, etc.. mais c'eût été copier les communes voisines, en avance sur VEBRET, notamment ANTIGNAC et LA MONSELIE, et cela, la majorité ne voulait pas.

M. Pierre DE VAUBLANC, conseiller municipal et Président de l'Association des Anciens Combattants, proposa au conseil de demander un projet à l'un de ses amis architecte qui avait déjà réalisé une stèle ornée de plaques de bronze. C'est ce projet qui fut adopté.

 

En fait, ce monument a bien failli avoir une toute autre apparence. Au début de 1920, une lettre circulaire du Préfet informait les municipalités que du matériel de guerre pouvait être mis à leur disposition. Dans sa séance de février 1920, le conseil, à l'unanimité, a demandé : 2 canons de tranchée et un obus de 105, le tout destiné à la décoration du futur Monument aux Morts.

Cet armement n'est jamais arrivé... Nous l'avons échappé belle.

Enfin, et j'allais dire surtout, son emplacement.

Lorsque le parvis de l'église fut proposé, quelques “laïcs" purs et durs du conseil poussèrent de hauts cris : " Il s’agit d'un monument civil qui n'a rien à voir avec l'église " et proposèrent la place de VEBRET en face de la Mairie.
Finalement, le parvis l'emporta et je me suis laissé dire qu'au moins un des conseillers démissionna du conseil de ce fait.
 

 En plus, aux yeux de certains, cet emplacement éloignait le monument du centre bourg et l'approchait de Couchal...

Ce n'est pas la première fois que je parle de cette rivalité entre ces deux villages (pardon entre le bourg et un village). Souvenez-vous le transfert du cimetière à la fin du siècle dernier. (Il y a bien d’autres anecdotes, certaines savoureuses, que je raconterai un jour... mais je ne voudrais pas réveiller les querelles ancestrales, maintenant que l'ESPACE SAINT-LOUIS sert de trait d'union entre VEBRET et COUCHAL).

LA RÉALISATION
Le conseil municipal désigna M. Pierre de VAUBLANC comme Président de la commission du monument et M. ENGRESSAT, pour la surveillance des travaux. Il fallut, en premier lieu, acheter une parcelle de terrain de 123 m2 dans le "prat de Jacques" appartenant à la famille BARRIER (coût de l'opération : 450 F à condition que le mur en pierres sèches soit reconstruit). Cette acquisition était indispensable. Une photo montre l'ancienne route reliant VEBRET à COUCHAL (le gros chêne était dans la propriété BARRIER) et il fallait placer le monument dans l'alignement de la rue principale de VEBRET. (Encore une confusion regrettable de l’éditeur de la carte postale - c'est bien la vue de Couchal et non celle du bourg - la maison actuellement occupée par M. Hubert PRADAL n'est pas encore construite.)

M. FRAYSSE, sculpteur à BORT, a été chargé de réaliser le monument d'après les plans de l'architecte. Les blocs constituant le fût du monument ont été goujonnés, ce qui rend le monument pratiquement indémontable et de ce fait non déplaçable. M. MOREAU, sculpteur, a réalisé les quatre bas-reliefs en bronze qui ornent le fût du monument.

LA SYMBOLIQUE

Un monument est fait pour avertir, attirer l'attention, Est-ce que tous les habitants de la commune ont pris le temps de s'arrêter, de faire le tour du monument et méditer sur le message gravé par le ciseleur sur les quatre plaques de bronze ? Je n'en suis pas certain tant il est vrai que les engins modernes de circulation contournent ce monument aussi rapidement que possible et que ce serait perdre du temps que de stopper quelques minutes.

Faisons le tour du Monument :

Regardez le bas-relief exposé au sud.
Nous sommes le 2 août 1914, les affiches avaient été apposées et le sinistre tocsin annonce la mobilisation générale. La moisson bat son plein, les moissonneurs ont posé leurs faucilles.   

Ce sont les dernières embrassades devant notre vieille église, avant que les hommes rejoignent leurs affectations. Les visages de ceux qui restent sont empreints de gravité devant la catastrophe qui s’annonce.

Faisons un quart de tour. Sur ce bas-relief, le sculpteur a gravé dans le bronze la scène qui représente la vie du soldat français devant le créneau de sa tranchée.
  C'est là où ils ont enduré pendant 52 mois les pires souffrances dans le froid, la boue, la vermine.
 
Hélas, il y avait les obus, la mitraille. Le 3ème bas-reliefnous montre un soldat touché en plein cœur. Son casque tombe de sa tête, il échappe son fusil.  

56 Vebrétois sont morts ainsi.

Faisons un pas de plus et nous voyons les restes du mort de tout à l'heure pieusement recueilli et enseveli dans une modeste tombe du front, une simple croix de bois sur laquelle ont été inscrits son nom et son matricule.
  Devant la tombe, une mère ou une épouse ou une fiancée prie et pleure le disparu.

  
Tel est en quatre bas-reliefs ce qu'a été le lot de bien des soldats de ce qui devait être la "der des der", hélas.

Regardons d'un peu plus près les sculptures dans la pierre

   

On y voit des feuilles de marronnier, c'est l'arbre de la douleur, il symbolise l'amertume, des feuilles de chêne, symbole de la puissance et de la force, la palme de laurier, emblème de la gloire guerrière. Un bouquet de myosotis, ne m'oubliez pas.

    Les trois assises de pierre formant le banc, le socle, le fond de la colonne veulent représenter l'effort de l'homme dans sa marche ascendante. Les colonnes qui doivent tenir le tout supportent le toit, symbole de la sécurité et de la paix. Et sur ce toit, il y a 56 tuilettes correspondant aux 56 morts de VEBRET,



Voilà, très rapidement esquissée, la symbolique de ce Monument hors du commun.


L'INAUGURATION.

En août 1925, le conseil municipal débat de l'inauguration, fixe la liste des invités qui bénéficieront de la gratuité du banquet. Ont été invités : le Sous-préfet de Mauriac, le Conseiller Général du canton de Saignes, les conseillers d'arrondissement du canton, les maires d'Antignac et de la Monselie, le curé de Vebret, tous les vétérans de 1870, un membre de chaque famille ayant perdu un des leurs à la guerre, tous les mobilisés de la commune, le conseil municipal, Mrs Moreau Sculpteur, Rapesse Architecte et Fraysse, entrepreneur.
La cérémonie a été fixée au 13 septembre 1925. les frais de réception se sont élevés à 800 F et M. PEYTHIEU aubergiste Vebret, fut chargé du banquet servi dans les deux salles de classe de l'école à côté de la Mairie.

Une inauguration ne peut se faire sans Allocution accessible ici

Après le banquet, le Maire, (M. Breton), le Conseiller Général (le Docteur BASSET) et monsieur le Sous-Préfet prirent la parole. Mais le discours le plus émouvant fut sans conteste celui de M. Roger de VAUBLANC, ancien maire de la commune, qui termina en s'adressant aux anciens combattants présents autour de lui :
"Vous nous avez vengés ! A vous, gloire honneur et Merci !"

Ces paroles ont un relent de patriotisme qui n’a plus cours de nos jours. Mais il faut se replacer dans le contexte de l'époque et considérer la personnalité de l'orateur qui servant à Rome dans les gardes pontificaux reçut en 1870, l'ordre formel de Pie IX de regagner la France. Il participa à la guerre de 1870 en tant que capitaine des mobiles de la Corrèze. La guerre de 1870 avait été perdue, l'Alsace et la Lorraine étaient devenues allemandes, celle de 1914-1918 était gagnée.

Si j'ai pu rédiger ces quelques lignes retraçant "l’histoire du Monument aux Morts", c’est grâce aux archives de la Mairie mais aussi et surtout grâce à de “vieux papiers" conservés par quelques familles qu'elles m'ont aimablement prêtés. Je remercie particulièrement Marie-Jeanne et Raymond VECHAMBRE pour les documents qu'ils m'ont fournis.

Jean TOURNADRE (janvier 1992)

 

 

LE MONUMENT AUX MORTS 

 

 

N°6 : janvier 1992.

HISTORIQUE DU MONUMENT AUX MORTS

Le 11 novembre 1918, le clairon avait sonné la fin des hostilités et l'armistice était signé, mettant fin à ce qui a été appelé la Grande Guerre, et plus tard la Première Guerre Mondiale.


La France avait mobilisé 8 410 000 hommes dont 1 357 800 ne revinrent jamais (9947 pour le département et 56 pour la commune). 595 000 furent blessés et il y eut 510 000 prisonniers.


Dans les années après guerre, le pays pansait ses plaies. Le Nord et l'Est de la France étaient à reconstruire et toutes les communes voulurent honorer leurs morts. C'est ainsi, qu'années après années, les places des villages virent s'ériger "les Monuments aux Morts" (le mot français Monument vient du mot latin "monere" qui dans le sens général veut dire avertir, indiquer. Dans un sens plus précis, un monument est un ouvrage d'architecture et de sculpture, élevé en souvenir d'un homme illustre ou d'un événement important).



LA RÉALISATION
Le conseil municipal désigna M. Pierre de VAUBLANC comme Président de la commission du monument et M. ENGRESSAT, pour la surveillance des travaux. Il fallut, en premier lieu, acheter une parcelle de terrain de 123 m2 dans le "prat de Jacques" appartenant à la famille BARRIER (coût de l'opération : 450 F à condition que le mur en pierres sèches soit reconstruit). Cette acquisition était indispensable. Une photo montre l'ancienne route reliant VEBRET à COUCHAL (le gros chêne était dans la propriété BARRIER) et il fallait placer le monument dans l'alignement de la rue principale de VEBRET. (Encore une confusion regrettable de l’éditeur de la carte postale - c'est bien la vue de Couchal et non celle du bourg - la maison actuellement occupée par M. Hubert PRADAL n'est pas encore construite.)

M. FRAYSSE, sculpteur à BORT, a été chargé de réaliser le monument d'après les plans de l'architecte. Les blocs constituant le fût du monument ont été goujonnés, ce qui rend le monument pratiquement indémontable et de ce fait non déplaçable. M. MOREAU, sculpteur, a réalisé les quatre bas-reliefs en bronze qui ornent le fût du monument.

LA SYMBOLIQUE

Un monument est fait pour avertir, attirer l'attention, Est-ce que tous les habitants de la commune ont pris le temps de s'arrêter, de faire le tour du monument et méditer sur le message gravé par le ciseleur sur les quatre plaques de bronze ? Je n'en suis pas certain tant il est vrai que les engins modernes de circulation contournent ce monument aussi rapidement que possible et que ce serait perdre du temps que de stopper quelques minutes.

Faisons le tour du Monument :

Regardez le bas-relief exposé au sud.
Nous sommes le 2 août 1914, les affiches avaient été apposées et le sinistre tocsin annonce la mobilisation générale. La moisson bat son plein, les moissonneurs ont posé leurs faucilles.   

Ce sont les dernières embrassades devant notre vieille église, avant que les hommes rejoignent leurs affectations. Les visages de ceux qui restent sont empreints de gravité devant la catastrophe qui s’annonce.

Faisons un quart de tour. Sur ce bas-relief, le sculpteur a gravé dans le bronze la scène qui représente la vie du soldat français devant le créneau de sa tranchée.
  C'est là où ils ont enduré pendant 52 mois les pires souffrances dans le froid, la boue, la vermine.
 
Hélas, il y avait les obus, la mitraille. Le 3ème bas-reliefnous montre un soldat touché en plein cœur. Son casque tombe de sa tête, il échappe son fusil.  

56 Vebrétois sont morts ainsi.

Faisons un pas de plus et nous voyons les restes du mort de tout à l'heure pieusement recueilli et enseveli dans une modeste tombe du front, une simple croix de bois sur laquelle ont été inscrits son nom et son matricule.
  Devant la tombe, une mère ou une épouse ou une fiancée prie et pleure le disparu.

  
Tel est en quatre bas-reliefs ce qu'a été le lot de bien des soldats de ce qui devait être la "der des der", hélas.

Regardons d'un peu plus près les sculptures dans la pierre

   

On y voit des feuilles de marronnier, c'est l'arbre de la douleur, il symbolise l'amertume, des feuilles de chêne, symbole de la puissance et de la force, la palme de laurier, emblème de la gloire guerrière. Un bouquet de myosotis, ne m'oubliez pas.

    Les trois assises de pierre formant le banc, le socle, le fond de la colonne veulent représenter l'effort de l'homme dans sa marche ascendante. Les colonnes qui doivent tenir le tout supportent le toit, symbole de la sécurité et de la paix. Et sur ce toit, il y a 56 tuilettes correspondant aux 56 morts de VEBRET,



Voilà, très rapidement esquissée, la symbolique de ce Monument hors du commun.


L'INAUGURATION.

En août 1925, le conseil municipal débat de l'inauguration, fixe la liste des invités qui bénéficieront de la gratuité du banquet. Ont été invités : le Sous-préfet de Mauriac, le Conseiller Général du canton de Saignes, les conseillers d'arrondissement du canton, les maires d'Antignac et de la Monselie, le curé de Vebret, tous les vétérans de 1870, un membre de chaque famille ayant perdu un des leurs à la guerre, tous les mobilisés de la commune, le conseil municipal, Mrs Moreau Sculpteur, Rapesse Architecte et Fraysse, entrepreneur.
La cérémonie a été fixée au 13 septembre 1925. les frais de réception se sont élevés à 800 F et M. PEYTHIEU aubergiste Vebret, fut chargé du banquet servi dans les deux salles de classe de l'école à côté de la Mairie.

Une inauguration ne peut se faire sans Allocution accessible ici

Après le banquet, le Maire, (M. Breton), le Conseiller Général (le Docteur BASSET) et monsieur le Sous-Préfet prirent la parole. Mais le discours le plus émouvant fut sans conteste celui de M. Roger de VAUBLANC, ancien maire de la commune, qui termina en s'adressant aux anciens combattants présents autour de lui :
"Vous nous avez vengés ! A vous, gloire honneur et Merci !"

Ces paroles ont un relent de patriotisme qui n’a plus cours de nos jours. Mais il faut se replacer dans le contexte de l'époque et considérer la personnalité de l'orateur qui servant à Rome dans les gardes pontificaux reçut en 1870, l'ordre formel de Pie IX de regagner la France. Il participa à la guerre de 1870 en tant que capitaine des mobiles de la Corrèze. La guerre de 1870 avait été perdue, l'Alsace et la Lorraine étaient devenues allemandes, celle de 1914-1918 était gagnée.

Si j'ai pu rédiger ces quelques lignes retraçant "l’histoire du Monument aux Morts", c’est grâce aux archives de la Mairie mais aussi et surtout grâce à de “vieux papiers" conservés par quelques familles qu'elles m'ont aimablement prêtés. Je remercie particulièrement Marie-Jeanne et Raymond VECHAMBRE pour les documents qu'ils m'ont fournis.

Jean TOURNADRE (janvier 1992)