LE BOURG 

 

N°8 - Janvier 1993. 

UN PEU DE L'HISTOIRE DU BOURG DE VEBRET

La météo avait annoncé des orages parfois violents en certaines régions. Mais la journée du lundi 22 septembre 1992 s'était passée sans encombre. Le tonnerre grondait au loin... mais paraît-il, les orages ont l'habitude de "suivre la Dordogne”. Ils épargnent en partie notre région ! Dans la nuit, tout a changé, les orages ont éclaté en montagne et dans la vallée... ; le 23 au petit matin, les habitants de Vebret avaient les pieds dans l'eau. C'était l'inondation. Le Violon et la Sumène avaient débordé. Les polémiques allaient bon train : cette catastrophe naturelle est due à ceci ou à cela, comme si c'était la première fois que VEBRET et ANTIGNAC se trouvaient dans cette désagréable situation.

Les Français ont, paraît-il, la mémoire courte. Il ne faut pas être très âgé pour se souvenir de 2 ou 3 inondations d'importance équivalente, notamment en 1956. La situation de VEBRET est telle (au confluent du Violon et de la Sumène) que ces phénomènes ont dû se produire régulièrement au cours des siècles.

DERIBIER DU CHATELET, dans son dictionnaire statistique du Cantal cite : “On lit dans une vieille chronique qu'elle fut inondée (la paroisse) en 1756 par un débordement extraordinaire du VIOUROUX".
Mais quelle a été la raison qui a amené les bâtisseurs à construire l'Église, et le bourg, sur la rive gauche de la Sumène ? Cette zone était et reste beaucoup plus sujette aux débordements que la rive droite. Certains auteurs posent la question : Pourquoi pas la vallée du Soulou si parcourue au Moyen-Age et qui comportait de gros villages ? Il y a là un mystère que les historiens régionaux n'ont pas éclairci.

HISTORIQUE

Notre région est habitée depuis fort longtemps. DE RIBIER en a trouvé les traces en découvrant au siècle dernier, lors de fouilles dans un tumulus près de Verchalles, des objets qui ont été datés de l'âge de bronze. Les archives ne nous permettent pas de retrouver nos lointains ancêtres qui vivaient il y a plus de 3000 ans.
VEBRET est citée dans la Charte attribuée à CLOVIS : “A VEBRET, sont une église dédiée à Saint-Victor, et deux métairies occupées par Gérald et Flammond, serfs, qui donnent deux mesures de froment, un bœuf et deux sous".
Certains prétendent que cette charte est un faux... je n'en sais rien. Mais à la mort de Clovis 1er, l'Auvergne passe dans les mains de son fils Thierry. Il y amènera ses troupes en leur disant "Je vous conduirai dans un pays où vous trouverez de l'argent autant que vous pourrez en désirer, où vous prendrez en abondance des troupeaux, des esclaves et des vêtements" ( cette province avait paraît-il échappé aux ravages de l'Occident). Et c'est ainsi qu'on retrouve Thierry mettant le siège au château de "Chastel-Marlhac", il a donc campé dans notre région.

A l'époque carolingienne, VEBRET était le siège d'une vicairie. Puis, c'est devenu sous l'ancien régime un prieuré dépendant de celui de BORT puis vers le XV° siècle de celui du VIGNONNET relevant de l’Abbaye de la CHAISE-DIEU.

 En 922, il est fait mention d'une viguerie à VEBRET (c'était le siège d'un magistral qui rendait la justice sans toutefois avoir autorité pour prononcer la peine de mort, son pouvoir était limité.)
Jusqu'en 1789, VEBRET dépendit du diocèse de Clermont, de l'élection et de la Subdélégation de Mauriac. Régi par le droit coutumier, il dépendait de la justice de la Daille et de la Sénéchaussée d'Auvergne, en appel du baillage de Salers. (certaines parties du département ont été désignées par des noms, tels l'Artense ou la Planèze qui subsistent, par contre l'expression "la Daille" à laquelle était rattachée VEBRET n'est plus guère employée que par quelques anciens. C'était la contrée située entre la Rhue et la Sumène et plus spécialement les territoires d'Antignac et de Salsignac.)


L'ÉGLISE ROMANE
L'église actuelle a certainement remplacé celle citée dans la charte de Clovis mais son emplacement excentré par rapport au bourg laisse présumer qu'elle était autrefois plus centrale. Les vestiges de fondations visibles dans les photographies aériennes pourraient éventuellement le confirmer. Pourquoi l'abandon de cette zone entre l'église et le pont ? Une cause inconnue, peut-être une inondation plus dévastatrice que celle que nous avons connue (hypothèse la plus vraisemblable), peut-être une épidémie ou encore un incendie, à ma connaissance, rien n'est parvenu jusqu'à nous.


Jadis, dédiée à Saint-Victor et aujourd'hui sous le vocable de Saint Maurice et Saint-Louis. Sur le plan architectural, c'est un monument à une seule nef terminée à ses deux extrémités par un mur droit. Elle est formée de deux parallélogrammes rectangles d'inégales longueurs et largeurs et diffère ainsi de la plupart des églises romanes de l'arrondissement de Mauriac.
L’influence de l'école limousine a été prépondérante. Les deux chapelles latérales ouvertes dans le choeur au XlV° siècle ont modifié le plan primitif de l'église. La voûte du choeur est de l'époque primitive tandis que celle de la nef a subi de nombreuses modifications. Dominant le tout, s'élève un clocher "à peigne" du XII° siècle en forme de pyramide tronquée. Il est percé de trois ouïes romanes dans lesquelles apparaissent les cloches.

La plus ancienne date de 1701 c'est la "Sauveterre de VEBRET". Elle avait pour vertu d'éloigner les orages et de préserver les récoltes (ce qui n'était pas très agréable pour les voisins sur lesquels allaient éclater les orages), les deux autres datent de 1890, l'une d'elles a eu pour parrain Léon BARRIER, notaire et pour marraine la baronne de Fontanges, née de Fresne de Kerlan. En 1933, l'une des cloches a été refondue et eut pour parrain et marraine M. et Mme Pierre de VAUBLANC. 

Pour plus de précisions sur le bâtiment  : Visite de l'église 

PLUS PRÈS DE NOUS

Pour apprécier les transformations qui ont eu lieu, en près de deux siècles, il suffit de comparer les plans du cadastre le plus ancien en notre possession (1827) et l'actuel. Une des transformations la plus visible a été la suppression du cimetière autour de l'église ce qui a permis de modifier le tracé de la route VEBRET-COUCHAL en un premier temps dès 1908, en le faisant passer devant le porche de l'église (qui avant cette date n'était accessible qu'à pied) puis dans les années 40, en réalisant un tracé en ligne droite du pont de Couchal jusqu'au bourg.

Face à l'église, existait autrefois une vieille croix en pierre. Remplacée en 1890 par la croix bretonne actuelle, elle fut d'abord implantée derrière l'église et vers 1930, l'abbé Sanson la fit transporter au village de Couchal où elle est encore (ce transfert n'a pas été sans soulever les protestations de quelques notables de VEBRET).

Après la disparition du cimetière, un trottoir en grosses pierres avait été réalisé entre le coude de l'ancien chemin de Couchal (face à l'église) et la maison Barrier. Il était fort utile aux piétons car à l'époque la route n'était pas goudronnée et par temps de pluie, les ornières et la boue rendaient la circulation difficile. Ce trottoir a disparu lorsqu'on a élargi la route en 1938.

Lors des travaux pour l'installation de l’eau et des égouts dans le bourg vers 1966, la pelleteuse a rencontré un cercueil en pierre, l'a cassé et dispersé les ossements. Nous ne saurons jamais qui avait été enterré dans ce sarcophage dans le petit cimetière au pied de l'ancienne croix.

POUR LA PETITE HISTOIRE

Dans "Auvergne de nos racines", Mallouet raconte : "Au début du siècle, dans la vallée de la Sumène, près de VEBRET, on invoque une source "NOSTRADAMA DELS ESTRUMELS" (N. D. des Chevilles). Les indigènes sont chaussés de sabots, qui causent des blessures, Un bain de pieds dans l'eau glaciale et une prière à la Vierge assurent une guérison rapide" : Où est cette source miraculeuse ? Personne n'a pu me le dire.


LE NOM DE VEBRET

D'après MALLOUET, il viendrait de l’expression lou Vabre “le ravin" ?

 En 922, c'était le vicariat de VEBRETENSIS et en 1441 VEBRETUM.

Certains lui donnent une origine venant du gaulois beber (castor) ce qui a donné BEBRETUM et Robretum.

Les spécialistes penchent vers l'origine "VEBRETUM" (lieux broussailleux) ce qui s'accorde le mieux à l'appellation actuelle.



AUX ABORDS DE VEBRET

* LE VIOLON


Il présente en son aval une particularité singulière pour un ruisseau. Sur une grande partie, il est pavé avec des dalles parfaitement jointives et bordé par des murs en pierres sèches dignes d'une construction. Qui, et à quelle époque ces travaux ont-ils été réalisés et quel en était leur but ? On serait tenté de penser que c'est très ancien mais à partir du pont du Cheylas le tracé est rectiligne jusqu'à la Sumène. Or le plan cadastral de 1827 le trace avec des courbes ! Pour ceux qui ne connaissent pas cette partie du Violon, je leur conseille vivement de prendre le chemin qui part devant l'épicerie et d'aller jusqu'au pont et longer le ruisseau sur sa rive gauche.

* LE SIRIES

C'est le monticule au sud de VEBRET à l'ouest de la route de Serre. Sur le plan de 1827, on trouve une parcelle intitulée "Couder du Siries", le terme couder n'est employé que lorsqu'il s'agit du "communal" d'un village. Il y existe aussi la "Font St-Louis". Les quelques ruines qui subsistent indiquent que cette région a été autrefois habitée. Est-ce que c'était une extension du bourg de Vebret ou un village indépendant ? Pourquoi a-t-il disparu ? Autant de questions sans réponse.

Concernant "le Siriès" : le "Chirier" désigne en patois le cerisier sauvage et l'on peut penser que c'est cet arbre qui a donné le nom à l'ensemble des lieux situés entre VEBRET et COURTILLES (il y avait paraît-il un très gros cerisier abattu par la foudre à la fin du siècle dernier).

Mais des habitants de VEBRET, Courtilles, La Monselie portaient ce nom-là. C’est peut-être eux qui ont donné leur nom aux terrains en question !
Le "Couder des Chirier" représenterait peut-être les communaux de VEBRET (ou de Courtilles).


DOCUMENTATIONS

Dictionnaire statistique du Département du Cantal par Deribier-du-Chatelet
Les paroisses de l’Archiprêtre de Mauriac Reso de Ribier
Dictionnaire topographique du Cantal Emile AME
Auvergne de nos racines Mallouet
Lettres de M. PRANGERE
Divers ouvrages traitant de l'histoire de l'Auvergne et documents consultés aux archives départementales.
Je remercie particulièrement Mme LAPEYRE d'Antignac qui a mis sa documentation à ma disposition.

N. B. Je tiens à la disposition de ceux qui seraient intéressés, la liste des curés ayant officié à VEBRET depuis 1474 à nos jours.

 

Jean TOURNADRE (AOÛT 1995)